L'une et l'autre

L'une avait des seins comme des obus qui pointaient vers le désir ; c'etait une sauvageonne sans foi ni loi , une amante insatiable qui déclinait sur tous les modes l'art d aimer . Elle aimait garder longtemps, en elle, le foutre après l amour , avec cette ferveur un peu idiote des premières communiantes . C etait une paienne d'or et de sang dont toujours le visage , au moment ultime , prenait ce teint diaphane de madone . Elle disparaissait parfois sans crier gare , sans note ni faire- part pour des heures secrètes , frappées du sceau de l'interdit puis revenait , sourire en coin , innocente et farouche , guérilla incessante et louche : on a les guérillas que l'on peut quand on a la mort en bouche . Son mal de vivre , elle le jouait sur scene , fardée , avide d'oubli et de gloire . Elle m'aurait voulu Merlin pour chasser ces demons sournois , effacer ces barbeaux sur le tableau noir d'une enfance ratée et sordide . Pour la bercer , je lui chantais des comptines polissonnes , de celles un peu connes , qu'on écrit comme elles passent :

Espera para mi ma guenon nymphomane
Sur ton fil d acier en maillot noir et collants dorés
Tes jambons roses promesse d émeute
Et ton cul provocant qui reclame sa dose
Espera para mi Don Quichiotte est de retour
Et sa lance brûle de combattre ton moulin

Et puis , et puis ....A force de vivre avec un courant d'air , on ne doit pas s etonner si un jour , les portesfinissent par claquer . Messaline intégriste , elle s est barrée par un clair matin de juillet ; elle voulait un corps imberbe , un coeur sans barbe , je n'etais plus son barde ... C est du passé ...
L'autre avait des yeux de claire fontaine , jamais je ne les oublierai et des seins comme des mandarines qui auraient tant voulu , plus jeune être des melons . Démêlons , démêlons , disait-elle l'écheveau de nos vies , l écheveau de nos coeurs sur le manège de nos sexes qui palpitent et rythment la valse des adieux toujours différés . Elle trainait derrière elle , un serieux contentieux avec les hommes et amazone fragile , choisissait au hasard des coeurs , au hasard des corps , parfois des bandits , parfois des gentils et pas toujours avec discernement lui semblait- il ... Rockeuse de nylon mais au cuir dans la prunelle , elle se faisait , de toutes facons , forte de les ramener à la raison , forte de les ramener à la maison et pour seules epitaphes en tirait des portraits qu elle vendait aux editeurs . Elle etait femme de lettres , femme de tête et â ses redoutables talents d inquisitrice désormais sur la défensive , elle ajoutait cette lubie
d interpréter les intentions les plus innocentes comme autant de complots machiaveliques
qu'elle aurait eus à dejouer . Individuelliste aguerrie elle ne lachait jamais prise ... A elle aussi , il ecrivait de courts textes naifs où il etait question de fleurs sauvages et d'abandon . Il savait
qu elle se rendait souvent l'existence si misérable qu elle devait rester des heures durant , couchée en chien de fusil sans gâchette , cervelle phosphore qui flambe sans grattoir puis s'éteint dans le noir . Elle refusait la tendresse comme un risque à ne plus courir , de sa tristesse faisait des tresses pour ne plus souffrir ... Bonjour et merci ou adieu et dommage ... Affaire classée ou à suivre .... Le brouillard persistait et l amour partait au large ...

Bien sur qu'il finirait par la rejoindre sa niche avec ce collier qui chaque jour l'etranglait un peu plus . Il pourrait même se consoler en aboyant que les princesses culottes usent de leurs amants comme de serviettes hygieniques - par périodes - pour ensuite les congédier comme des domestiques . Mais c'etait trop facile , mesquinement gratuit . Elles n'étaient ni l'une ni l'autre , princesses , plutôt filles de détresse ayant côtoyé la folie plus souvent qu'a leur tour ....
A son amie des soirs de défaites qui sont parfois autant de victoires , à son amie Marie , il n avait su que répondre quand interrogé sur l'amour ... Cela lui revenait maintenant comme lui revenaient ses vingt ans dans ce coin paumé de l'ocean indien où en manque de morphine , il croupissait dans cet hotel delabré , un maigre pécule en poche , avec une envie de vivre et de crever également partagées . Il passait ses journées , barricadé , à combattre fantomes et moustiques pour plus tard , à la nuit tombée , partir marcher sur la grève . Aux premiers rayons, une fois les pêcheurs revenus , il retrouvait son lit , apaisé enfin pour quelque heures ...
Tu vois , Marie , le desir , l'amour parfois , c est cette seringue de malheur , cette vague de chaleur qui te parcourt de la plante des pieds à la racine des cheveux . A nous d'essayer de s'en détacher et apprenons sur le chemin à cultiver la patience et surtout , surtout la mélancolie .
N est-ce pas , amie , la forme de tristesse la plus proche de la sérénité ?

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